J’ai du mal avec la norme, les cadres de vie un peu trop rigides. C’est dans les sphères où il existe une place pour les gens originaux que je me sens le mieux, et c’est pour ça que l’univers BDSM me correspond bien.

Je suis venue au BDSM par curiosité — je me suis dit «Tiens, ça a l’air d’être un univers où on essaie d’autres choses ». À ce moment, je n’en avais pas encore conscience mais j’avais déjà une attirance pour la femdom (domination féminine) : un univers codifié dans lequel le pouvoir est explicitement donné aux femmes, où elles régissent la sexualité, voire l’entièreté de leurs interactions avec les hommes.

Dans ma vie, j’avais l’impression que c’était l’inverse qui se passait depuis l’adolescence : je me sentais objet du désir des hommes et j’avais souvent la sensation de devoir l’assouvir pour payer le fait de l’avoir suscité.

Je n’imaginais même pas qu’il puisse exister des relations dans lesquelles des hommes aspirent à être dominés. Ça ne m’intéressait pas d’ailleurs ; quand j’ai mis un doigt dans l’engrenage, je crois que je sentais juste confusément qu’il me fallait reprendre le pouvoir sur mon intégrité physique et psychique dans les relations avec eux. 

Je suis rentrée dans le milieu, d’abord de loin, puis j’y suis revenue. J’ai commencé avec un réseau social qui s’appelle Fetlife, où chacun peut exprimer ses fantasmes, et cela m’a ouvert la porte à des soirées privées. 

C’est comme ça que j’ai découvert que la sexualité pouvait être autre chose qu’une pénétration, qu’un homme pouvait kiffer qu’on lui dise « Je me fous complètement de tes désirs, remercie moi de pouvoir faire le service quand je reçois mes copines. »

Mes débuts de dominatrice

J’ai eu un amoureux avec lequel j’ai exploré le BDSM. J’allais en soirée avec lui — en soumis — et il s’avère que les dominatrices sont souvent rares dans ce type d’espaces.

Beaucoup d’hommes seuls cherchaient des dominatrices ; j’en adoptais un ou deux pour la soirée et je faisais un peu de show.

Une des premières fois où j’ai commencé à jouer avec un soumis qui n’était pas mon compagnon, c’était avec un homme qui s’est approché de moi et a commencé à lécher ma botte. Je lui ai demandé ce qu’il était en train de faire, il m’a dit « Je tente, je n’ai rien à perdre ». Je l’ai giflé, et on a commencé à jouer ensemble : il léchait mes chaussures, je lui marchais dessus. C’était plus marrant qu’excitant. 

Après chaque soirée, je partais avec des numéros de téléphone de mecs prêts à payer pour être dominés. Moi, j’avais besoin d’argent, je n’avais pas fini mes études, j’avais des travaux à faire chez moi… Ça s’est imposé comme une évidence, de faire la même chose, mais en étant rémunérée.

J’ai fait cela régulièrement jusqu’à la fin de mes études, sans même avoir à me déshabiller une seule fois. Même si c’était marrant, ça n’était pas un plan de carrière, je ne voulais pas continuer dans ce sens. Mais ça m’a appris beaucoup de choses sur les hommes et leurs fantasmes, et sur le profil des hommes soumis.

Susciter le désir des hommes, même si j’en avais déjà souffert, jusqu’ici, je savais le faire. Il suffisait que je découvre que je n’étais pas obligée de l’assouvir pour changer la donne.

Ne plus subir la sexualité des hommes 

J’avais passé ma vie à avoir l’impression que, parce que j’avais suscité du désir, il fallait que « j’assume ». Assumer, c’était « passer à la casserole », résoudre la tension sexuelle que mes interlocuteurs ressentaient.

Dans cette sphère sexuelle qui s’étalait aussi sur l’affectif, je ne me sentais pas libre, ni autonome : je subissais. 

Ça peut paraître ahurissant, mais c’est avec le BDSM et la femdom que j’ai découvert que c’était OK qu’un homme soit excité par moi sans que je ne doive pour autant répondre par un coït, avec éjaculation pour monsieur.

Après mes études je ne suis toujours sortie qu’avec des hommes plus ou moins « soumis ». Pour certains la soumission restait dans la sphère sexuelle, pour d’autres cela s’étendait à la vie quotidienne. Heureusement mes quelques années dans les cercles initiés m’ont apprises à bien les cerner. Car si les hommes dans les clubs ou soirées n’ont que peu de réticences à avouer leurs penchants et même les affichent clairement, dans la vie de tous les jours c’est moins facile de les reconnaître.

Une sexualité à mon image

J’ai toujours imposé à mes compagnons ma liberté sexuelle : je suis avec eux et nous formons un véritable couple mais je dois être libre de pouvoir dominer un autre homme de temps à autre pour m’amuser. Sans relations sexuelles, juste pour le plaisir d’exercer mon autorité. Ceux à qui cela ne convenait pas n’ont pas duré, pour d’autres cela n’a pas posé de problème.

Cela fait trois ans que je suis avec le même homme et après avoir expérimenté beaucoup de choses je crois pouvoir dire que nous comprenons et acceptions chacun très bien les besoins de l’autre.

Ma domination est plus intellectuelle que physique, j’adore savoir qu’un homme est prêt à me servir, il doit pouvoir le faire naturellement. Mon petit moment préféré c’est de me mettre devant une série et qu’il vienne ensuite s’agenouiller devant le canapé, la tête entre mes cuisses pour s’occuper de moi. Quand j’en ai assez il peut retourner à ses occupations. C’est un moment juste pour moi sans contrepartie, comme s’il me faisait un massage ou une manucure.

Au lit aussi, même si je ne dis pas non à une bonne baise de temps en temps sa langue reste pour moi son organe que je préfère. Au moins quand il l’utilise ça lui évite de parler pour dire des bêtises. Et hormis ceux pour mon plaisir personnel, nous avons relativement peu de sextoys pour m’occuper de lui. Je marche plus aux gifles et à l’autorité. Je n’aime pas tellement devoir le contraindre, et préfère qu’il soit obéissant.

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